« Al-Hawâ » (la passion) désigne le penchant naturel que chacun éprouve envers ce dont il a besoin. Le désir n’est donc pas reprochable quand ce qui est recherché est licite. C’est le suivi excessif des passions qui lui, en revanche, est blâmable.
Cet article est tiré de notre livre : La Guérison des Âmes
Ceci étant dit, lorsque les désirs passionnels sont critiqués de manière absolue, c’est parce que soit la plupart d’entre eux ne sont pas permis, soit parce que les gens ont l’habitude de les considérer licites et donc les assouvissent de manière exagérée.
Sache qu’une part de notre for intérieur est intellectuelle, sa vertu étant la sagesse et son vice étant l’ignorance. Une autre part est vibrante, sa vertu étant l’ardeur et son vice étant la lâcheté. Une troisième part est concupiscente, sa vertu réside dans la chasteté et son vice dans le suivi sans retenue des passions.
Faire preuve de patience face au vice est une valeur de l’âme qui permet à la personne de faire face autant à la bienveillance qu’à la malveillance. Donc, quiconque manque de patience et laisse ses penchants prendre le dessus sur sa raison a donc désigné en tant que guide une chose qui doit être pourtant être dominée. Il risque alors de subir des pertes là où il espérait trouver du profit. Il trouvera de la souffrance là où il espérait trouver du bonheur.
En effet, les êtres humains ont été favorisés sur les bêtes par la raison. L’intelligence a été désignée pour canaliser le suivi des désirs. Donc, celui qui n’accepte pas le jugement de sa raison et se conforme à celui de sa passion, l’animal devient meilleur que lui.
On peut citer, parmi les signes révélateurs qui prouvent la grandeur du combat contre les penchants, le mérite et la supériorité des chiens de chasse sur les autres chiens. Cela est dû à leur capacité à contredire leur instinct afin de réserver à leur maître le butin de leur chasse, soit par peur d’être châtié, soit par signe de reconnaissance.
Sache que la passion est telle l’exemple des flots déchaînés guidant le navire du tempérament. Celui qui est doté d’une raison saine doit comprendre que supporter l’adversité dans le combat contre les passions est bien plus facile qu’endurer ce qui survient après les avoir assouvies. L’état le moins grave auquel il faut s’attendre lorsque l’on suit ses aveuglément ses désirs consiste à ne peut plus pouvoir s’empêcher de s’y soumettre même si on ne ressent plus de plaisir à les commettre, à l’exemple de ceux qui sont dépendants au sexe ou à l’alcool.
Méditer sur ce sujet rend le rejet des pulsions plus facile. Lorsque l’on se souvient qu’agir selon nos désirs n’est pas le but de notre création, les passions deviennent alors répugnantes aux yeux de celui qui réfléchit. En effet, le chameau mange plus que lui, l’oiseau copule plus que lui, les désirs des animaux sont sans limites et ils n’éprouvent aucun regret après les avoir assouvis, contrairement à l’être humain. Cela prouve donc que l’Homme n’a pas été créé pour suivre ses désirs passionnels car ils ne sont pas suprêmes et sont gâchés par les imperfections (de l’humain). Néanmoins, cela concerne le désir blâmable, celui qui dépasse les limites et que la raison juge comme étant déficient, comme je l’ai déjà démontré. Par conséquent, ce que tu désires parmi ce qui est nécessaire et qui t’aide à améliorer ta condition est glorifié plutôt que blâmé.
Source : La guérison des âmes – Ibn Al-Jawzî